Introduction 

Génération du baby boom, brisant les codes, les hippies se veulent en marge de la société. Le mot hippie est, pour certains, emprunté à l'américain « hippy », nom dérivé de « hip » (variante de hep) signifiant qui est « initié », au courant de ce qui est nouveau, d'origine inconnue. Pour d'autres, il vient d'un vocable africain « hipi », que certains pensent être un terme wolof signifiant « ouvrir ses yeux ». Ce mouvement des années 60 se réclame anticonformiste et s'oppose donc à la société préétablie de l'époque. Les hippies mettent en avant de nouvelles normes et valeurs appartenant à leur contre-culture. Une contre-culture désigne un mouvement culturel dont les normes et valeurs s'opposent à celles de la culture dominante. Ils revendiquent donc une nouvelle identité définie de façon négative par la société dominante. Ce mouvement bien loin d'être tombé du ciel tient ses racines de la beat generation des années 1950. De plus, comment parler des hippies sans évoquer la musique, les arts, le cinéma et les mouvements et manifestations qui ont diffusé cette contre-culture ? 

En quoi le mouvement hippie était-il une contre-culture ?  

       

Introduction 

       

       I- Naissance d'une contre-culture  

        1) Les racines beatniks

          2) La guerre du Vietnam

                 3) Le rejet de la société de consommation

      

II- Les normes et valeurs de la culture hippie

                     1) Le mode de vie                       

     2) La recherche de liberté        

        

  III- La diffusion de la  culture hippie

                1) Les rassemblements et les voyages             

2) Les arts engagés


         Conclusion        

Sources

NB : pour voir la conclusion et les sources cliquer sur « articles plus anciens » en bas à droite.




I- Naissance d'une contre-culture

1) Les racines Beatniks

La beat generation est le nom d'un mouvement littéraire et culturel qui prit place durant les années 1950 et 1960. La beat generation était également le principal mouvement précurseur de la contre-culture hippie. Le mot « beat » en américain peut signifier à la fois « battu » ou « vaincu ». Les individus appartenant à ce mouvement étaient nommés par le terme « beatnik ». Jack Kerouac, fondateur de l'expression « Beat Generation », affirma que « beat » évoquait le rythme du jazz et était une autre manière de dire « béatitude ». Les beatniks se considéraient, eux-mêmes, comme la génération de la révolte ou la génération du tempo. Composé de jeunes, d'écrivains tels que Jack Kerouac ou encore Alen Ginsberg et d'artistes, ce mouvement défendait, tout comme les hippies quelques années plus tard, des valeurs anticonformistes. 
Alen Ginsberg
Jack Kerouac
Ils éprouvaient un rejet de « l'American Way of Life », comme l'exprimait Jack Kerouac dans une citation. Cette citation montrait son refus de la société de l'époque : « la folie absolue est une fantastique horreur de New York avec ses millions et ses millions d’êtres humains qui se battent indéfiniment entre eux pour un dollar ». Les beatniks étaient ainsi en marge de la société. 


La beat Generation



L'American Way of Life dans les années 1950



Par ailleurs, les drogues étaient très importantes dans ce mouvement. Selon les beatniks, elles permettaient de libérer l'âme et l'esprit. Elles représentaient ainsi un prolongement dans leur quête de liberté, tout comme les hippies qui les suivirent plus tard. D'une part, la beat generation cherchait à combattre ce qu'était devenu son pays, les États-Unis, un pays capitaliste où la consommation était reine. Cependant, d'un autre côté, la beat generation souhaitait revenir aux sources de la création des Etats-Unis  avec cet esprit de liberté. Elle voulait également redécouvrir son territoire comme le prouve cet extrait d'une poésie d'un poète Beatnik, Ferlinghetti :

« Et j'attends que quelqu'un
découvre vraiment l'Amérique
et pleure…
et j'attends
que l'Aigle américain
déploie vraiment ses ailes
et se dresse et s'envole… »

Les beatniks étaient tout autant habités que les hippies par cette envie de voyage. Les écrivains et poètes de la beat generation avec en chef de file Jack Kerouac partaient souvent en « road trip » (en voyage sur les routes) pour explorer les Etats Unis. Ils couchaient à la belle étoile et vivaient au jour le jour. Jack Kerouac fut l'un des plus grands auteurs de la beat generation. Il véhiculait leurs principes à travers ses œuvres comme l'un de ses plus importants romans Sur la route publié en 1957.


Ils aimaient les paysages de l'Amérique mais méprisaient son peuple qui, selon eux, avait oublié sa liberté, la délaissant au profit de l'argent et du confort. La beat generation avait donc de nombreuses valeurs et normes communes à la contre-culture hippie tout comme l’antimilitarisme.
Par ailleurs, les beatniks vouaient un culte aux divinités bouddhistes et s'inspiraient donc à la fois de la culture occidentale et de la culture orientale. Ils étaient aussi rejetés par les membres de la société conformiste américaine qui les considéraient comme négligés et sales tout comme les hippies furent considérés. Les poètes de la beat generation étaient devenus rapidement riches et célèbres ce qui fit évoluer le mouvement pour donner quelques années plus tard les hippies. Le mouvement beatnik ne parvint pas jusqu'en Europe contrairement au mouvement hippie. Les hippies s'inspirèrent donc des beatniks à la différence près que les beatniks étaient plutôt intellectuels et aventuriers. En outre, les beatniks n'étaient pas aussi communautaristes que les hippies. Enfin, ils militaient contre la pauvreté et la misère.

« C'est plus moral - et plus agréable - d'avoir sa main dans la braguette que le doigt sur la gâchette »                                                                        
                                                                                                              Lawrence Lipton, poète beatnik 


2) La guerre du Vietnam


Les hippies étaient connus pour leur engagement contre le racisme, les discriminations homme/femme, et pour défendre toute sorte de liberté. Cependant, la guerre du Vietnam eut un impact encore plus puissant sur cette communauté que toutes les autres causes listées précédemment. La guerre du Vietnam (ou Viêt Nam) débuta en 1955 et se termina en 1975. Cette guerre opposait le Nord du Vietnam, qui était un régime communiste soutenu par l'URSS et la Chine, notamment appelé la « République démocratique du Viêt Nam » (RDVN), au Sud du pays et plus précisément à la « République du Viêt Nam » (RVN), qui elle était un régime nationaliste soutenu par les États-Unis. Ce combat est intervenu dans le contexte de la guerre froide : période de tensions entre les Etats-Unis et l'URSS. Les Etats-Unis luttaient, en effet, contre l'expansion du communisme. Cependant, il n'y eut d'affrontement direct entre les Etats-Unis et l'URSS. Ainsi, pour éviter le basculement du Vietnam vers le communisme, les Etats-Unis intervinrent militairement dans ce pays. Pendant les premières années, la guerre du Vietnam était surtout une guerre civile opposant l'armée du Sud Viêt Nam aux troupes du FNL également appelées péjorativement Viêt Cong. Cette guerre était sanglante et faisait preuve d'une extrême violence. Elle causa la mort de plus de 4 millions de civils au Nord du Viêt Nam, environ 430 000 civils Sud-vietnamiens et plus de 55 000 soldats américains furent tués. Les hippies qui étaient pacifistes, prônaient la liberté d'expression et pensaient que les mots avaient un plus grand impact que la violence. Ils étaient plus qu'hostiles à cette guerre, qui était selon eux totalement dénuée de sens. Certains la qualifiait même de « sale ». La photographie ci-dessous montre bien l'injustice de cette guerre, puisqu'elle touchait aussi bien les militaires engagés que les populations qui n'avaient pas à être impliquées dans ce conflit.

célèbre photographie de Nick Ut, représentant une petite fille de 9 ans grièvement brûlée au napalm courant nue sur la route de Trang Bang, 1972

Les hippies se sentaient impuissants face à cette guerre. Ils décidèrent tout de même de manifester afin de montrer leur désaccord envers ce qu'il se passait au Vietnam. Ils organisaient de nombreuses marches, des sit-in. Un mouvement de grève se mit en place, ainsi que de grandes manifestations silencieuses dans les rues des villes ou devant des bâtiments officiels. De tous ces regroupements, nous retiendrons la manifestation qui dura 3 jours, du 1er au 3 mai 1971, où plus de 500 000 personnes se réunirent à Washington. Les individus présents à cette réunion prônaient la paix et scandaient de nombreux slogans simples mais néanmoins poignants : « make love, not war » ou encore « peace and love ». Ces deux expressions s'accompagnaient généralement par un signe de paix qui était formé par l'index et le majeur.


Photographie de la célèbre manifestation du 3 mai 1971, à Washington



Cette manifestation fut représentée dans de nombreux films, notamment le célèbre  Forrest Gump, réalisé par Robert Zemeckis. Tom Hanks ayant le rôle principal y joue un jeune vétéran engagé dans la guerre du Vietnam, retournant aux États-Unis à la fin de son service militaire. Les hippies étaient aussi répugnés par le fait que l'Etat américain envoyait au Vietnam, par le biais du service militaire obligatoire, de jeunes citoyens qui n'étaient pour la plupart que de simples adolescents. Toutefois, les hippies n'étaient pas les seuls contre cette obligation. Ainsi, le célèbre boxeur Cassius Clay, plus connu sous le nom de Mohammed Ali, dut arrêter sa carrière de boxeur à cause de son service militaire obligatoire. Il changea par la suite de nom et de prénom pour montrer sa désapprobation envers l'impérialisme américain.
Le mouvement anti-guerre était tellement fort et puissant, qu'il ne relâcha pas la pression jusqu'en 1975.  En effet, le dernier hélicoptère américain s'envola du toit de l'ambassade des États-Unis en direction de Saigon, ville du Vietnam, aujourd'hui appelée Hô-Chi-Minh-Ville. Par la suite, les mouvements de protestations prirent une toute autre forme. En effet, des citoyens appartenant à des associations religieuses adressaient des lettres aux élus du Congrès et à de hauts responsables. Des pétitions circulaient et récoltaient une quantité phénoménale de signatures. Par ailleurs, les actes de désobéissances civiles se multiplièrent. Certains opposants à la guerre et donc au système américain refusèrent de payer leurs impôts et d'autres jeunes gens allaient même jusqu'à se suicider en public en signe de révolte à la guerre du Vietnam. Mais, ce dernier acte était tout de même assez rare. Tout ceci se terminait généralement par des arrestations en masse voire des morts et blessés ainsi que l'utilisation de gaz lacrymogènes par les forces de l'ordre. Aux Etats-Unis, après tous ces événements, certains allèrent jusqu'à parler de révolution.


3) Le rejet de la société de consommation


Juste après la fin de la 2nde Guerre Mondiale, apparut aux Etats-Unis et dans quelques pays d'Europe, le « baby boom », une augmentation importante du taux de natalité. Les « baby boomers » ou tout simplement « boomers » étaient les enfants nés durant cette période. Il y eut une fragmentation de la société d'après-guerre. Elle vola en éclat et provoqua la création de plusieurs communautés. Les hippies étaient issus de cette génération. Nés dans les années 1950, ils rejetaient la société de consommation de leurs parents qu'ils trouvaient abrutissante et dégradante. Cette société de consommation était née de la période des Trente Glorieuses. En effet, entre 1945 et 1973, la majorité des pays développés connurent une période de forte croissance économique. L'enrichissement de ces pays permit une hausse du niveau de vie. Ainsi, les ménages purent s'équiper de produits qui amélioraient leur confort. Par ailleurs, l'amélioration des conditions de vie favorisa également les naissances, ce qui pouvait expliquer l'apparition du « baby boom ».
Les hippies causèrent volontairement une rupture avec le modèle dominant, vanté partout et spécifiquement aux États-Unis. Ils rejetaient et ne croyaient plus en l' « American dream » et en l' « American way of life ». Les hippies faisaient partie d'une génération frustrée par le mode de vie de leurs parents, un mode de vie jugé trop calme, trop plat, trop coincé selon eux : ce qui provoqua la rébellion. En effet, ces jeunes gens contestaient et refusaient non seulement l'autorité établie par leurs parents mais également l'ordre établi par le gouvernement américain. Ils ne voulaient appartenir à aucun parti politique, c'est pourquoi leur mouvement avait des tendances anarchistes. Néanmoins, le mouvement hippie s'étendit jusqu'en Europe et plus particulièrement en Angleterre, car ces « marginaux » voulurent ébranler la hiérarchie sociale rigide de la Grande-Bretagne même si ce système tient encore de nos jours. La société de consommation de la génération précédente également appelée société capitalistique dérangeait le plus les hippies. Ils refusaient d'adhérer à cette société trop contemporaine qui les poussaient à acheter. 



sculpture réalisée par Duane Hanson, intitulée « Supermarket Lady » représentant une femme de classe moyenne américaine avec un caddie rempli surtout de choses superficielles, créée en 1969-1970


 
 
Certaines communautés décidèrent donc d'accéder à une complète autosuffisance. D'autres vivaient de la vente de produits ou d'offres de services. Ils n'achetaient plus ce que l'on pouvait trouver dans les grandes surfaces, ils fabriquaient eux-mêmes leurs chaussures et préconisaient l'alimentation bio. Ils voulaient non seulement se détacher de la société courante mais également bâtir un monde qui n'appartenait qu'à eux. Ils ne se souciaient pas d'être en marge de la société car c'est justement ce qu'ils recherchaient. Quand cette génération de « boomers » eut l'âge d'avoir des enfants à son tour, elle favorisa la pédagogie anti-autoritaire. Les hippies cherchaient à établir d'autres rapports avec leurs propres enfants. Certaines communautés créèrent  leur propre système scolaire, appelé « école sauvage » ou « école parallèle ».



II- Les normes et valeurs de la culture hippie


1) Le mode de vie


Vie en communauté


Les hippies se réunissaient et vivaient en communauté.  Une communauté désigne un groupe de personnes partageant le sentiment fort d’appartenance à un même ensemble. Selon Ferdinand Tönnies, sociologue et philosophe allemand, en plus d’être fondée sur le « sentiment d’appartenance subjectif », la communauté repose également sur des liens affectifs, des sentiments, une proximité et une solidarité entre les membres du groupe.

En Amérique, dans les années 60, les premiers hippies installés à San Francisco s’organisèrent en communautés, telle que la communauté Haight-Ashbury, née grâce à la médiatisation des Merry Pranksters, un groupe psychédélique. Ce quartier de San Francisco fut le lieu de rassemblement des premiers authentiques hippies qui se retrouvaient dans des « squats » (maisons abandonnées) sordides. Un véritable ghetto s'y organisa avec des « acid heads » , qui désignaient les « vétérans » ayant l'expérience des drogues hallucinogènes. Haight-Ashbury fut également le point de départ  du « Summer of love » signifiant « Eté de l'amour ». Cette expression désignait l'été 1967 durant lequel les jeunes firent découvrir la contre-culture hippie. D'ailleurs, un slogan est né du « Summer of love ». Le « Flower Power » signifiant le « pouvoir des fleurs » était très scandé par les hippies. En effet, la fleur représentait pour eux un signe de non-violence et ils allaient même jusqu'à en porter dans leurs cheveux. Par ailleurs, le symbole de la paix était associé à la célèbre expression anglaise « peace and love ». Le graphiste britannique Gerald Holtom inventa ce symbole en 1958, lors d' une manifestation de la Campagne pour le désarmement nucléaire (CND).
Symbole Peace and love

Further le bus des Merry Pranksters


                                         
Le mouvement s’étendit petit à petit à l’ensemble des Etats-Unis. En effet, les hippies voulaient vivre à l’écart du tumulte du monde et de la vie superficielle, selon leurs propres règles. Le développement de ces communautés inquiétait les autorités. En France, l’apparition de ces communautés fut plus tardive et débuta seulement dans les années 70.

Alimentation et écologie


Dans leur vie quotidienne, les hippies avaient de nombreuses normes et valeurs. Ils voulaient mener leur vie comme ils l’entendaient, sans l'emprise de la pensée conservatrice de leurs parents. Ils s'éloignaient donc de la vie bien rangée et coincée de la plupart des gens inscrits dans la société capitaliste. En effet, les hippies valorisaient la campagne ou la montagne pour se réunir car ils aspiraient à un retour à la nature. Cependant, parfois, ils se réunissaient en ville mais quelque part où ils pouvaient s'exprimer librement. Parallèlement, dans la communauté hippie, la nourriture bio et le végétarisme commencèrent également à se développer. Cette alimentation, notamment à base de riz, de soja et de blé, montrait le prolongement de leur philosophie de la protection de la nature. Le végétarisme supprimait la viande ainsi que les autres produits d’origine animale. De plus, les hippies possédaient des fermes et des jardins communautaires dans lesquels ils cultivaient leurs fruits et légumes. Enfin, ils consommaient ce que l'on appelle la nourriture macrobiotique. L'alimentation macrobiotique désigne une technique qui prétend nourrir l'organisme de la façon la plus juste possible, sans manque ni excès. Les hippies étaient ainsi parmi les premiers à vouloir repenser la planète autrement, à vouloir la protéger et à prendre en compte les constats de certains scientifiques, tels que Gregory Bateson qui favorisait une prise de conscience dans le domaine de « l'écologie ». D'ailleurs, ils posèrent les bases de l'écologie. Les hippies pensaient donc à l'environnement et certains adoptèrent même des concepts de recyclage. Ils voulaient être libres dans la nature sans pour autant la dégrader. Ainsi, leur  « flower power » devait résister à la société de consommation qui polluait, sans se soucier de la nature. En effet, la société de l'époque, contrairement aux hippies, ne se souciait pas de ses dépenses en termes de nourriture et ne voyait aucun inconvénient à manger de la viande ou de la nourriture industrielle.
                           


Tenue vestimentaire



Cependant, ce qui était peut-être le plus flagrant était leur révolution de l’apparence. Dans le livre Oh hippie Days d’Alain Dister, il est écrit « tout ce qui portait cheveux longs, fringues bizarres et poil au menton était à priori suspect ». En effet, les hippies portaient la moustache, la barbe, les cheveux longs, les bandanas ainsi que les vêtements larges, fleuris et colorés, en opposition avec les vêtements sombres habituellement portés par la société de l'époque. Par ailleurs, pour les hippies, les cheveux longs représentaient un signe de liberté individuelle, dans une société, où les cheveux courts étaient considérés comme une exigence de présentation. D'autre part, les bandanas étaient unisexes et les cheveux longs et les pantalons étaient aussi bien portés par les hommes que par les femmes, afin de briser les codes de la société. La bourgeoisie aisée de l'époque se sentait menacée en s'apercevant que la différence entre les sexes masculin et féminin n'était plus qu'une question de tenue et de coupe de cheveux. Les hippies trouvaient le plus souvent leurs vêtements dans des friperies, à la recherche de vieux vêtements d'occasion et démodés, à moindre coût. Tous les artifices étaient bannis de leur culture, au nom du naturalisme et du rejet de la société de consommation. Enfin, ils prônaient le naturisme : ils avaient tendance à se promener, à se baigner complètement dénudés et à marcher pieds nus.

Le look de Jimi Hendrix à Woodstock (1969)
Jimi Hendrix au festival de Woodstock en 1969
             

             


           




Des hommes de bureaux américains dans les années 1960







La mode hippie a été lancée par Jimi Hendrix, Joe Cocker et Janis Joplin, lors du festival de Woodstock. Le décalage entre la mode de la société de l’époque et la mode de la culture hippie est flagrant dans les photos ci-contre. Même si les individus sont dans des situations complètement différentes (concert et bureaux), cela n'empêche pas qu'à l'époque il était inconcevable de se rendre au travail en pantalon « patte d'eph », par exemple.








Autres valeurs

De plus, comme nous le voyons dans le film Easy Rider de Dennis Hoper, les hippies vivaient avec cette idée de vie fraternelle et de partage, que ce soit au niveau du partage de nourriture ou du partage des amours. Une autre valeur peut être notée, il s’agit de l’idée de gratuité. La culture hippie se répandit avec ses idéaux de gratuité, d’échange, de générosité et de fête accessible à tous.  Les hippies organisaient donc de nombreux concerts gratuits « Free Concert ». Par exemple, dans le film Hair de Milos Forman, étaient organisés des concerts gratuits dans Central Park. De même, dans le livre Oh hippie Days d’Alain Dister, l’auteur fait référence à des « Free Clinic » pour se soigner gratuitement et des « Free Store ».

Religion

A travers leur vie communautaire, les hippies voulaient également enrichir leur vie spirituelle. En effet, les hippies puisaient dans la philosophie orientale. Ils s’inspiraient ainsi du taoïsme, religion chinoise et du bouddhisme zen pour la méditation et la pratique du yoga. Ils jugeaient ces religions plus authentiques que les pratiques religieuses dont ils avaient hérité. A cette époque, aux Etats-Unis, la religion principale était alors la chrétienté. Durant les années 1960-1970, il y avait plus de 60% de protestants et plus de 20% de catholiques.

Les Beatles lors d'une séance de méditation en 1967
                       
2) La recherche de liberté

La liberté sexuelle
Chambre à coucher typique des pays anglo-saxons
Les hippies souhaitaient se libérer de l'emprise de cette société conservatrice, libérer leurs esprits, se rapprocher de la nature et vivre comme bon leur semblait. Les mœurs conservatrices ne convenaient plus à cette nouvelle génération qui cherchait à s'émanciper, à devenir libre. La commercialisation et la légalisation de la pilule contraceptive s'élargirent. La pilule fut autorisée en 1960 aux États-Unis et en 1967 en France. De plus, l'avortement fut également généralisé. Dans ce contexte, les hippies qui vivaient en communauté avaient pour mot d'ordre « free love » ou l'amour libre. Ils rejetaient le mariage traditionnel et se voulaient libres de leur sexualité. Le point d'orgue de cette liberté se cachait dans le plaisir, ils l’affirmaient et le revendiquaient, en particulier les femmes hippies, qui prônaient une image de femme libérée. Tandis que dans les couples américains, par exemple, au cours des années soixante, la norme était aux lits jumeaux séparés, ils n'affichaient pas leur sexualité. Le sexe était un sujet tabou qui ne devait pas être affiché, dans les pays d'occidents plutôt puritains. Jusque dans les années 1960, le Code Hays à Hollywood empêchait les couples à l'écran de dormir ensemble. Les hippies représentaient donc une contre-culture dont les normes étaient à l’opposé de celles de la société de l'époque encore très marquées par un esprit conservateur.



Les Hippies avec des mœurs plus ouvertes


A travers cette liberté sexuelle, on note une envie des femmes hippies de se détacher de l'emprise masculine et de devenir indépendantes afin d'avoir le contrôle sur leur corps et leur vie. Elles décidèrent d'être libres de leurs mouvements, aux antipodes de la femme dans la société des années 60 qui avait comme rôle principal celui d'une ménagère. Celle-ci s'occupait du foyer, faisait la cuisine, le ménage et gardait les enfants. En outre, contrairement aux femmes hippies qui avaient une indépendance pleine, les femmes de la société de consommation ont dû, par exemple, attendre jusqu'en 1965 pour posséder un compte bancaire et exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari.
                                                                                        
Exemple de vêtement vendu sur un catalogue 
 à la mode dans les années 60                                                                               Portrait d'une femme hippie
 

                                               

De plus, l'homosexualité chez les hippies n'était pas taboue contrairement à la société américaine où les homosexuels étaient souvent discriminés, pointés du doigt comme un peu partout dans les pays occidentaux. A l'époque, l'homosexualité n'était pas tolérée. Ainsi, les hippies avaient des pratiques différentes qui s'opposaient aux normes et valeurs de l’Amérique des années 60.

                                        

Le pacifisme

 
« Faites l'amour pas la guerre... » ce slogan né de la contre-culture hippie, a traversé les années et nous retransmet clairement l'état d'esprit hippie. Ce fameux « peace and love » était une valeur centrale de leur mode de vie. Le pacifisme représentait une norme fondamentale chez les hippies ; au pouvoir des armes, ceux-ci répondaient par le pouvoir des fleurs et de l'amour. Leur utopie correspondait à l'amour répandu dans le monde entier et à la paix. Traumatisés par la guerre du Vietnam où des millions de jeunes mouraient, appelés par l'armée américaine à combattre pour servir leur patrie, les jeunes hippies ne voulaient pas partir. Ils ne désiraient en aucun cas prendre une arme et tirer sur les vietnamiens mais pensaient plutôt à tendre l'autre joue pour instaurer la paix. De plus, ils souhaitaient être libres de leur choix, ce n'était pas un ordre de la société qu'ils refusaient qui pourrait les guider.
La jeune fille à la fleur de Marc Riboud  prise le 21 octobre 1967 lors de la manifestation contre la guerre à
Washington
La consommation de drogues
Les drogues telles que la marijuana et le LSD en particulier tenaient une place importante dans cette contre-culture. Dans les années 1960, certaines substances hallucinogènes appelées « drogues psychédéliques » devinrent l’emblème de cette contre-culture ou plutôt de cette « drug culture ». Ces substances apparaissaient comme un moyen d’évasion. Pour les hippies, la révolution pacifique qu'ils voulaient accomplir avait pour mot d'ordre peace and love. Ils pensaient qu'il fallait « changer le monde » en « changeant les esprits » comme le décrit une chanson des Beatles, Revolution. Pour eux, le changement d'esprit et la libération de celui-ci passaient par la consommation de LSD. Le LSD fut la drogue à la mode et à l’image des hippies. L’acide lysergique diéthylamide fut fabriqué en 1938 par le chimiste Albert Hofmann et fut caractérisé comme la drogue la plus puissante des hallucinogènes. Le LSD devint un véritable mythe associé d’abord à la Beat generation puis au mouvement hippie. Les hippies étaient des consommateurs de LSD et de drogues en tous genres. Par ailleurs, d'autres célébrités issues de la culture hippie, tombèrent dans la consommation de LSD et en moururent comme Janis Joplin ou Jimi Hendrix. Des slogans poussaient les hippies à consommer ces drogues tels que « Free dope for everyone » ou encore « Let’s smoke dope ». Le LSD provoquait des hallucinations, des illusions ou encore des crises de folie. Par exemple, dans le film Easy Rider de Dennis Hopper, les deux protagonistes prennent du LSD dans un cimetière et sont victimes de fortes hallucinations. En outre, à l'époque, le LSD était une drogue peu chère coûtant seulement 2 dollars voire moins et était également facile d'utilisation. 



Photo de hippie vendant de l' acid
c'est à dire du LSD


Les hippies prenaient donc de ces drogues en quantité massive. Cette pratique se répandit à travers les hippies du monde entier, elle gagna Londres dans les années 1966 ainsi que la France à la même époque. Au fur et à mesure, les hippies firent face à des restrictions des Etats face à la consommation de drogues. De nombreuses vedettes du mouvement hippies furent arrêtées pour être en possession de ces substances telles que Mick Jagger et Keith Richards des Rolling Stones en 1967. La prise de drogues devint illégale aux Etats-Unis, à la fin de l'année 1967. Puis, cette consommation fut décrétée hors la loi dans le monde entier par l'ONU. Les hippies, par l'utilisation de drogues jugées illégales, avaient donc des pratiques propres à leur culture qui étaient condamnées par la société dominante.
« Les drogues ont coloré nos perceptions et nous nous sommes rendu compte qu'elles coloraient tout »
                                                                                                                                        Paul McCartney


III- La diffusion de la culture hippie

1) Les rassemblements et les voyages

Le mouvement hippie se caractérisait par son aspect communautaire. Ainsi, les membres de la communauté hippie se réunissaient autour de manifestations, de festivals mais également de voyages pour exprimer leurs idées et se regrouper.

Summer of love, 1967 : 
L'été 1967 marqua la naissance de la contre-culture hippie. Dans le quartier de Haight Asbury à San Francisco se rassembla la première communauté hippie. Lors de l'Human Be-in, le premier rassemblement du Summer of Love, des centaines de personnes se réunirent le 14 janvier 1967 au Golden Gate Park à San Francisco. De nombreux écrivains étaient présents et un concert fut organisé. Par la suite, des centaines de milliers de jeunes entre quinze et trente ans se rassemblèrent et menèrent une vie communautaire dans la ville de San Francisco durant l'été. La liberté était totale, ils méditaient, pratiquaient le culte bouddhiste et consommaient des drogues. 

Photo colorisée de Jim Marshall représentant un rassemblement du Summer of Love autour d'un concert

 
Le mouvement de Mai 68 en France :

Les événements de Mai 68 s'inscrivaient dans le contexte du mouvement hippie. Les revendications des jeunes étudiants de 68 étaient semblables à celles des hippies. Ils réclamaient plus de liberté dans la parole et la sexualité et souhaitaient se libérer de la société de consommation née des Trente Glorieuses. Ils critiquaient la politique du président Charles de Gaulle qui exerçait, selon eux, une « dictature » sur les jeunes. 


Une manifestante qui revendique les droits des femmes

Les voyages des hippies : les « hippie trails »

Les hippies effectuaient des voyages spirituels où ils traversaient l'Europe pour se rendre en Asie et plus particulièrement à Katmandou, la capitale religieuse et politique du Népal. Le but de ces voyageurs était de découvrir le mode de vie asiatique et de s'en imprégner. Ils voulaient rompre le contact avec la société occidentale à laquelle ils appartenaient. Ils voyageaient donc avec très peu de moyens pour connaître une expérience plus enrichissante spirituellement et établissaient beaucoup de contacts avec les personnes qu'ils rencontraient durant leurs voyages. En Asie, il était également plus simple de se procurer et de consommer de la drogue douce ou dure. 



Une leçon de bouddhisme sur les hauteurs du Katmandou
                      
Comme de nombreux hippies, les Beatles réalisèrent un voyage de trois mois en Inde, à Rishikesh en 1968, afin de recevoir un enseignement sur la méditation. C'est lors de ce séjour que les Beatles composèrent la plupart des morceaux de l'album blanc. Ils puisèrent de ce voyage des influences orientales dans leur musique.


Les Beatles à Rishikesh en 1968 
                                                                      
Woodstock (1969) : Woodstock fut le festival de musique emblématique des années 60. Il prit place en 1969 à Bethel dans l'état de New York. Les plus grands artistes de l'époque tels que Janis Joplin, The Who, Joe Cocker et Jimi Hendrix s'y produirent devant un public de plus de 500 000 spectateurs. Ce festival fut un événement historique qui marqua les mémoires des Américains mais également du monde entier. Les artistes profitèrent du succès de cet événement pour faire passer leurs messages contestataires. 

Country Joe Mcdonald « I-Feel-Like-I'm-Fixin'-To-Die-Rag »
Ce morceau critique la guerre du Vietnam. Lors du festival de Woodstock, Country Joe Mcdonald demanda aux spectateurs d’épeler avec lui le mot « FUCK » en signe de protestation contre le gouvernement et la guerre du Vietnam. Le chanteur appartenait d'ailleurs à un groupe nommé « Country Joe and the Fish ». Le nom du groupe est une référence à Staline qui était surnommé « Country Joe », lors de la seconde guerre mondiale. « The Fish » ferait référence à une citation de Mao Zedong : « L'armée doit être dans le peuple comme un poisson dans l'eau ». 

Dans cette chanson, Country Joe Mcdonald critique d'abord  l'enrôlement dans l'armée : « Come on all of you big strong men / Uncle Sam needs your help again ». Puis, il dénonce la stupidité de conflit : « so put down your books /and pick up a gun /we're gonna have a whole lotta fun ».  
Dans le refrain, le chanteur critique l'absurdité de la guerre : « What are we figthing for?/ Don't ask me I don't give a damn/ Next stop is Vietnam ».
Avec les paroles « There's plenty good money to be made/ By supplying the army with the tools of the trade », le texte insinue que l'Etat américain s'est engagé dans cette guerre en quête de profit économique.
Enfin, il dénonce l'envoi de jeunes innocents vers une mort probable : « Whoopee! we're all gonna die». « Send your sons off before it's too late/ be the first one of your block/ To have your son come home in a box ». 





Jimi Hendrix « Star spangled banner » Woodstock, 1969
Sur la scène de Woodstock, Jimi Hendrix reprit avec sa guitare électrique « Star-Spangled banner », l’hymne américain. Cependant, il employa avec sa guitare des effets (distorsion, pédale wah-wah) pour déformer l’hymne américain et imiter le son des bombes et des cris au Vietnam. Jimi Hendrix s’attaqua à un des plus grands symboles de l’Amérique pour dénoncer la violence de la guerre du Vietnam.





2) Les arts engagés 

Les arts engagés ont peut-être été le meilleur moyen de diffuser la culture hippie pendant les années 60 et 70. Ils véhiculent les valeurs hippies telles que la liberté et critiquent également la société des années 60 ainsi que la guerre du Vietnam.

Par la musique :

La musique a évolué de manière significative durant la période hippie. En effet, pendant la fin des années 60, de très nombreux artistes et groupes apparurent sur la scène musicale américaine et mondiale. Ces nouveaux artistes étaient généralement jeunes et adhéraient aux valeurs du mouvement hippie. Leur musique était donc un témoignage de leurs valeurs et de leurs idées.

- La recherche de liberté : « Imagine », John Lennon
Dans cette chanson écrite en 1971, John Lennon décrit à travers ses paroles un monde utopique. Dans ce monde, il n'existe ni pays, ni religion pour diviser les hommes et engendrer des guerres : 

« Imagine there's no countries
It isn't hard to do
Nothing to kill or die for
And no religion too »

Dans cette utopie décrite par John Lennon, les hommes ne possèdent pas et ne font pas preuve de cupidité : 
« Imagine no possessions
I wonder if you can
No need for greed or hunger
A brotherhood of man
Imagine all the people
Sharing all the world... »


« Imagine » est avant tout un message de paix universel qui témoigne de l'optimisme des hippies malgré la forte opposition entre leurs valeurs et le monde dans lequel ils vivent.



- La drogue et l’influence psychédélique : la période hippie marqua la naissance d’un nouveau genre musical, le rock psychédélique. Les artistes décrivaient avec les paroles de leurs chansons les effets des drogues comme le LSD.
Exemple : The Beatles, « Lucy in the sky with diamonds », 1967
Dans cette chanson, les Beatles décrivent les effets du LSD. D’ailleurs ces trois lettres sont les initiales de la chanson. Les paroles décrivent une jeune fille avec « des yeux kaléidoscopiques » ainsi que des fleurs jaunes et vertes en cellophane. Le guitariste emploie un instrument à corde indien, la tampura, pour ajouter une touche orientale et psychédélique au morceau.



- Le « Flower Power » : « San Francisco », Scott McKenzie, 1967
Ce morceau est l'un des hymnes du « Flower Power » et du « Summer of love » de 1967 à San Francisco. Il fut écrit par John Philips de The Mamas & the Papas puis le chanteur Scott McKenzie l'interpréta.  Cette chanson est un témoignage du « Summer of love » de San Francisco.




Par le cinéma :

« Easy Rider », Dennis Hopper, 1969

Le film Easy Rider est un témoignage de la place que tenaient les hippies dans les années 60. Durant tout le film, le spectateur suit le voyage de deux motards californiens qui traversent les États-Unis pour se rendre au carnaval de la Nouvelle-Orléans en Louisiane. Durant leur périple, les deux hommes s'arrêtent dans une communauté de hippies ; ils vivent tous ensembles, consomment de l'alcool et de la drogue (cannabis, LSD) et vivent avec des normes beaucoup moins strictes que celles de la société américaine. Ils se baignent nus, ont les cheveux longs, une barbe et une moustache. Leur style vestimentaire est également anticonformiste. Dans une scène où les personnages principaux pénètrent dans un restaurant, tous les clients jugent leur apparence. Cela témoigne donc du mépris que ressentaient certains Américains envers la contre-culture hippie qui avait des normes et des valeurs différentes. « Easy Rider » témoigne donc de manière sarcastique de l'intolérance et incite à la liberté et à la libération.